Un premier contact avec des créatures étranges et immortelles aux rochers Hopewell

Des millions de personnes de tous les coins du monde ont exploré les rochers marins à Hopewell Cape. Dans la baie de Fundy, les plus hautes marées du monde créent des paysages exceptionnels et l'érosion fait de ce Lieu fantastique un des endroits les plus uniques de la Réserve de biosphère de Fundy de l'UNESCO. Les formations rocheuses au sommet de la plage attirent bien les regards des visiteurs, alors que peu d'attention est accordée aux créatures étranges qui vivent le long des limites extrêmes des plus basses marées.

Si vous savez où poser votre regard à Hopewell Cape, il se peut que vous trouviez des créatures gélatineuses bien surprenantes.
Crédit photo : Kevin Snair

Récemment, Kevin Snair, superviseur des services d'interprétation du parc des rochers Hopewell Rocks et photographe professionnel, a décidé d’étudier les limites extrêmes de la zone intertidale. Il explique : « Travailler au parc des rochers Hopewell Rocks me donne une grande responsabilité en tant que gardien du savoir. Quand les visiteurs arrivent, mon travail consiste à répondre à leurs questions et cela me pousse à continuer à en apprendre davantage sur cet endroit. »

Kevin Snair au parc des rochers Hopewell Rocks. Crédit photo : Craig Norris

Ce que Kevin a trouvé à côté de l'eau chocolat remplie de sédiments est des formes de vie très étranges qu’on ne trouve habituellement pas si loin à l’intérieur de la baie de Fundy. Depuis plusieurs années, Kevin collectionne des images historiques des rochers marins pour les comparer avec ses photographies afin de suivre l’évolution de l’érosion. « Si j'avais une machine à remonter le temps, je reviendrais ici », dit-il. « Il y a cinq-cents ans, ce lieu serait encore reconnaissable, mais 1 000 ou 1 500 ans auparavant, il s’agirait d’un parc des rochers Hopewell Rocks bien différent. » Kevin reconnaît à quel point ce lieu se métamorphose avec le temps et il est bien conscient du fait que les bosses plus loin sur la plage sont en fait les vestiges de rochers marins ayant depuis longtemps subi l’érosion. Ce sont ces mêmes roches qui servent d’habitat à la vie marine.

Kevin Snair à côté du rocher surnommé « belle-mère ». Crédit photo: Craig Norris

L'une des principales raisons pour lesquelles les organismes qu'il a découverts n’avaient pas été trouvés avant maintenant est qu’ils préfèrent un habitat situé dans la zone intertidale des plus basses marées. Les plus grandes variations au niveau de la hauteur des marées se produisent seulement au printemps lorsque la lune et le soleil sont alignés et combinent leurs forces gravitationnelles. C'est alors que la marée sort assez loin pour dévoiler ces créatures mystérieuses, mais elles ne sont visibles que pendant 15 à 20 minutes. Pour que Kevin puisse explorer la zone intertidale des plus basses marées à Hopewell, il a dû se familiariser avec le cycle des marées. « L'horloge sur mon mur à la maison est en fait une horloge qui indique les marées », remarque-t-il. « La plupart des gens ne comprennent pas que la gravité de la lune est le principal moteur derrière les marées, alors si vous connaissez bien les phases lunaires, vous saurez quand la marée atteindra au printemps une hauteur extrême d’environ 14 mètres (46 pieds) », explique Kevin.

Vues d’en haut, des bosses, vestiges d'anciens rochers marins qui se sont écroulés, sont très évidentes.
Crédit photo : Kevin Snair

Une communauté typique d'algues recouvre les vestiges de rochers marins le long de la plupart de la plage. Bigorneaux, buccins et patelles sont quelques-unes des créatures que Kevin trouve souvent dans l'ascophylle noueuse et le fucus vésiculeux. C'est au-dessous de cette zone où les choses commencent à être vraiment bizarres. « Plus tôt cette saison, j'ai apporté un groupe de gens pour faire une toute première étude visuelle du site et c'est ainsi que nous avons trouvé trois espèces d'anémones de mer », révèle Kevin. « Nous avons repéré des anémones
« tomates de mer », des anémones à points blancs, et des anémones de noël, dit-il avec un sourire. Ces espèces se trouvent ailleurs dans la baie, donc elles ne sont pas uniques, mais la découverte de ces petits joyaux dans la boue de la partie supérieure de la baie est une surprise.

À mi-chemin sur la plage, Kevin Snair étudie les vestiges de rochers marins. Crédit photo : Craig Norris

Les anémones de mer ont un lien de parenté avec les coraux et les méduses. Comme ces derniers, elles se fixent aux roches à l'aide d'un pied adhésif. Elles ont des tentacules venimeux qui peuvent se replier à l’intérieur de leur corps lors de la marée basse et, encore plus surprenant, elles ne semblent pas vieillir. Si elles ne sont pas consommées, empoisonnées et qu’elles ne meurent pas de faim, elles peuvent vivre indéfiniment. Visibles seulement lors de quelques-unes des plus basses marées chaque mois, elles restent habituellement à l’abri et en sécurité ; mais, il y a tout de même un élément qui peut les nuire. Quand Kevin nous a apporté avec lui pour une promenade, nous avons photographié un morceau de sédiment bien intéressant sur une anémone. « Quand nous l’avons examiné de plus près, nous avons réalisé que ce sédiment avait des pattes, en faite, huit ! » s'exclame Kevin. Il s’agissait d’une araignée de mer qui se nourrissait de l'anémone en question. « Quand nous avons commencé à étudier d'autres photos sur un grand écran d'ordinateur, nous avons trouvé de plus en plus d'araignées de mer camouflées dans la boue autour des anémones ; elles étaient probablement ici tout ce temps », dit Kevin.

Kevin Snair photographie des anémones de mer lors d’une marée basse. Crédit photo : Craig Norris

Étant donné que l’eau a une teinte brune comme du chocolat, il est vraiment difficile de dire combien plus loin la plateforme de roche s'étend. « Elle pourrait s’étendre quelques mètres ou quelques centaines de mètres plus loin avant qu'elle ne soit enterrée dans la boue, mais une chose est certaine, il y a probablement plusieurs anémones au-delà des limites de la marée basse », déclare Kevin. Souvent, les anémones de mer abritent des algues dans leur corps pour gagner de l'énergie par la photosynthèse ; en échange, elles protègent ces algues. « Il est difficile d'imaginer que les rayons de lumière peuvent les atteindre à travers cette eau », suggère Kevin. « Mais nous savons que plusieurs espèces de poissons comme la plie, la morue, le gaspareau, l'esturgeon, le bar rayé, le chabot, le chien de mer, la raie et d'autres vivent elles aussi dans ces eaux boueuses. Il y a vraiment un éventail varié de formes de vie marine au parc des rochers Hopewell Rocks. »

Les rayons du soleil le matin atteignent une anémone semi-transparente, quasi-fantôme.
Crédit photo : Kevin Snair

Alors que les anémones de mer peuvent croître pour attendre des dimensions assez grandes dans certains environnements, ce n'est pas le cas ici. « Elles sont vraiment difficiles à trouver; c’est un peu comme repérer des pièces de monnaie éparpillées sur une longue plage boueuse ; et, parfois, elles sont suspendues à l'envers des roches  », avertit Kevin. « Vous devriez explorer avec quelqu'un qui sait ce qu'il faut chercher et descendre au bord de l'eau si vous souhaitez faire l’expérience des marées et voir sa faune extraordinaire. Mais, faites bien attention où vous mettez les pieds ! »

Cette anémone de mer de couleur rouge, surnommée « tomate de mer », a un parasite, soit une araignée des anémones.
Crédit photo : Kevin Snair

Comme il n'y a que deux grandes marées printanières par mois, une lors de la pleine lune et une lors de la nouvelle lune, cela limite l’accès à la partie la plus basse de la plage. Kevin explique : « Pendant chaque pleine et nouvelle lune, il y a plusieurs jours pendant lesquels la marée pourrait être assez basse pour que vous puissiez voir le jardin d'anémones de mer. Lors de la marée basse, il n'y a probablement pas plus que 6 heures au total où les anémones sont visibles. Ainsi, quand vous voyez la pleine lune ou une nouvelle lune en été, sachez que les anémones de mer pourraient être à l’extérieur de l’eau. »

Une anémone à points blancs renfermée, au-dessus de l’eau à marée basse. Crédit photo : Kevin Snair

Malgré le grand nombre de gens qui visitent les rochers Hopewell depuis des siècles, il n'est pas étonnant que les anémones de mer ne fussent pas connues avant la découverte de Kevin. L'histoire orale nous dit que les Mi'kmaq visitaient les rochers Hopewell chaque automne pendant la récolte pour des festins, de la danse, des chants et des cérémonies spirituelles. Peut-être qu'ils avaient une plus grande conscience des formes de vie qui existent dans les limites extrêmes des zones intertidales. Les rochers Hopewell qu’ils auraient visités étaient bien différents, plusieurs centaines et même, plusieurs milliers d'années passés. Les formations rocheuses, comme celle surnommée l' « éléphant » qui s’est récemment effondrée, existent depuis pas très longtemps. S’il existait auparavant, ce rocher n'aurait certainement pas porté le nom du plus grand mammifère africain. Si nous pouvions connaître l’explication Mi'kmaq des formations rocheuses perdues depuis longtemps, nous en apprendrions probablement autant au sujet de leur culture que les noms d'aujourd'hui nous en disent sur notre culture du 21e siècle ; le rocher « E.T. » vient certainement à l'esprit dans cette ère d’exploration spatiale.

Cette anémone de mer est suspendue à l’envers d'une roche, presque mal à l’aise, en attendant que la marée revienne.
Crédit photo : Kevin Snair

Nous avons de nombreuses occasions de découvrir des endroits uniques comme le parc des rochers Hopewell Rocks dans notre région du monde, le long de la baie de Fundy. Le Défi des Lieux fantastiques encourage les gens à visiter tous les 50 Lieux fantastiques de la Réserve de biosphère de Fundy pour souligner le 150e anniversaire du Canada. Quelle meilleure façon de célébrer que de profiter du plein air en visitant des Lieux fantastiques très « canadiens » !

Cet article est le premier de sept dans la série du Défi des Lieux fantastiques.

Financé par le gouvernement du Canada.

 

Gros pneus et grandes marées à la plage Waterside

Si l'eau était environ dix degrés plus chaud, la plage Waterside serait surpeuplée. Heureusement, les eaux froides de la baie de Fundy ont aidé à garder cet endroit relativement inconnu. Ensemble, la plage Waterside, les falaises Red Head et la plage Dennis forment le plus grand estran qui n’est pas vaseux dans la baie de Fundy et elles donnent accès à plus 400 hectares de fond marin lors de la marée basse. Il y a bien trop de choses dans ce lieu à explorer en une marée basse - impossible de tout voir à pied !

Zoe se promène à vélo près de Red Head, un rocher sculpté par les marées. Crédit photo : Craig Norris

Une nouvelle et amusante façon de traverser ce paysage façonné par de gigantesques marées est de se promener à vélo « fat bike », et c'est ce que Zoe Levesque et ses amis ont décidé de faire lors d’une soirée d'été. Zoe serait une bonne vendeuse de vélos « fat bike », car elle adore vanter les mérites de ces derniers. « Quand je conduis un fat bike, je me sens comme si je suis un enfant en train de conduire un camion géant », raconte-t-elle. « Ces vélos sont faciles à conduire et bien confortables ; ils ne sont pas du tout intimidants, et leurs gros pneus à basse pression vous permettent de rouler sur presque n’importe quel terrain. »

Zoe (à droite) et son amie Roxy (à gauche) roulent sur le sable de la plage Waterside. Crédit photo : Craig Norris

Au printemps, lors des plus basses marées, la plage Waterside s'étend à près d'un kilomètre du littoral, exposant ainsi une plaine sablonneuse gravée par les vaguelettes de la marée descendante. Au fur et à mesure que le niveau d'eau baisse, la plateforme rocheuse du littoral devient accessible à l'ouest, permettant d'atteindre la pointe du rocher Red Head. Ici, des champs de balanes, des mares d'eau intertidales, des rochers érodés par les vagues, des forêts d'algues et d’impressionnantes falaises rouges forment un estran bien unique. Plus loin, la plage Dennis est parsemée de galets rejetés par les vagues, ainsi que de sable et de dépôts de limon provenant des falaises arrondies datant de la dernière période glaciaire quisurplombent les bermes de la plage. Zoe est étonnée par chaque scène que présentent ces différents types de fond marin, mais, selon elle : « Les rochers rouges à Red Head sont les plus fascinants ; c'est comme être sur Mars et ils me rappellent les rochers Hopewell. »

Des gens font du vélo « fat bike » sous les falaises de Red Head. Crédit photo : Craig Norris

Le littoral de cette région, dont le sol est composé de grès rouge datant du Trias, se confond aux immenses falaises de Red Head ; c’est l’endroit par excellence où l’on peut admirer ces rochers vieux de 230 millions d'années. Formées au tout début de l’ère des dinosaures, ces falaises sont constamment érodées et abattues ; leurs vestiges forment une plateforme rocheuse sculptée par les vagues et dont le terrain est parfait pour le vélo « fat bike ».

Zoe explore la plateforme rocheuse. Crédit photo : Craig Norris

Se promener à vélo le long de hautes dunes de plage, traverser des ruisseaux au courant rapide, descendre des barres escarpées, traverser des plaines sableuses à toute vitesse, passer par dessus des blocs rocheux, naviguer les transitions entres des plateformes, rouler sur des bermes de galets et contourner des falaises sculptées par les vagues de la mer sont parmi les points culminants d’une telle aventure qui ont attiré Zoe et ses amis à faire du vélo « fat bike » dans cet endroit.« Les vélos fat bike  vous donnent la confiance nécessaire pour rouler sur un tel terrain accidenté, mais ce qui est vraiment différent avec faire du vélo sur le plancher océanique, c'est que vous faites votre propre chemin et que vous décidez où et sur quoi vous voulez rouler », explique Zoe. « Mais faites bien attention d’éviter d’abimer la faune et la flore aquatique. »

Craig Harper contourne des rochers rouges et relativement tendres qui datent du Trias. Crédit photo : Craig Norris

Les vélos « fat bike » ont justement été conçus pour apporter les gens dans ce type d’environnement, soit une zone intertidale ; il s’agit d’une expérience tout à fait unique que Zoe ne pourrait pas vivre avec les autres types de vélo. La baie de Fundy est un vrai paradis pour les amateurs du « fat bike » grâce à ses marées les plus hautes du monde qui donnent accès au plancher océanique. Malgré l’élan autopropulsé que ces vélos donnent à ceux qui les conduisent, Zoe avertit : « Ne comptez pas sur les autres, chacun doit se familiariser avec les marées, car vous pouvez vous coincer entre les falaises. Vous ne voulez pas être dans un tel endroit lorsque la marée remonte. »

À vélo sur la plateforme de Red Head lors d’un coucher de soleil. Crédit photo : Craig Norris

Dans des Lieux fantastiques comme celui-ci, « vous aurez un sourire perpétuel aux lèves », dit Zoe. Le Défi des Lieux fantastiques encourage les gens à visiter les 50 Lieux fantastiques de la Région de biosphère de Fundy pour souligner le 150e anniversaire du Canada. Quelle meilleure façon de célébrer que de profiter du plein air en visitant des Lieux fantastiques très « canadiens » !

Cet article est le deuxième de sept dans la série du Défi des Lieux fantastiques.

Financé par le gouvernement du Canada.

Attendez-vous à l’imprévu à Martin Head

Quiconque a pu se rendre à Martin Head, un site isolé et en pleine nature, se rend compte que bien des gens explorent cet endroit par VTT. Il y a d’autres façons de faire l’expérience de ce Lieu fantastique d’une façon plus intime, mais peu d’options sont aussi mémorables que pagayer en kayak. Notre histoire prend place lors d’une soirée tout à fait extraordinaire, alors que tous ces éléments se produisaient en même temps : un coucher de soleil, une pleine lune, une marée printanière extrêmement basse et un ciel clair, sans vent, sous l’influence d’un anticyclone.

Banc de gravier de Martin Head lors de la marée basse. Crédit photo : Craig Norris 

Profitant de cette tranquillité, James Little a invité ses amis à faire du kayak autour du promontoire rocheux de Martin Head pendant l’étale. Le moment était parfait, car les eaux, habituellement agitées, s’étaient apaisées et avaient une allure quasi vitreuse ; c’est comme si un parfait équilibre avait été atteint entre les forces gravitationnelles opposées du soleil qui se couche et de la lune qui se lève.

James Little pagaie près de Martin Head. Crédit photo : Craig Norris

La plupart du temps, la baie n’est pas aussi calme qu’en ce moment et elle présente bien des défis à James. « Ce n’est pas tant les marées qui m’inquiètent, mais les courants qu’elles peuvent créer », affirme-t-il. « Dans la plupart des sections de la baie, je dois porter attention au vent, mais il est possible de travailler de concert avec les courants si vous prenez le temps de planifier votre voyage. » Vous devriez bien connaître ce lieu ainsi qu’avoir de l’expérience sur la mer, sinon James suggère : « Allez-y avec un groupe qui a de l’expérience ou apportez un guide avec vous, et assurez-vous de vous renseigner au sujet des conditions qui peuvent se présenter dans la région où vous allez pagayer. »

James (à l’arrière) et son groupe à Martin Head, suite au coucher du soleil. Crédit photo : Craig Norris
Pagayer le long de Martin Head. On peut voir l’escarpement de Fundy au loin. Crédit photo : Craig Norris

Un long tombolo sableux s’étend jusqu’à Martin Head, liant cette île au continent. Cette plage est balayée par de puissantes vagues d’orages qui remontent la baie et les nombreux gradins de plage que l’on aperçoit à cet endroit sont le résultat des tempêtes passées. Le promontoire rocheux déforme les vagues qui le frappent et désoriente le courant, produisant souvent des eaux agitées qui sont difficiles à pagayer. Auparavant, un phare se dressait au sommet du promontoire pour avertir les navires de rester à l’écart de ses rochers dangereux, souvent cachés sous un brouillard épais. Heureusement, aujourd’hui, nous voyons le tempérament doux et invitant de Martin Head. Ce promontoire marque le passage vers un marais d’eau salée protégé, une vallée fluviale accidentée, de vastes plages de galets, de hautes falaises et une forêt de feuillus le long du littoral : toutes des caractéristiques d’un parc tout à fait extraordinaire.

Martin Head marque le début de l’estuaire de la rivière Quiddy. Crédit photo : Craig Norris

Bien que nous faisions du kayak à Martin Head pour observer le spectacle astronomique, la baie de Fundy nous réserve toujours des surprises. « La seule chose dont on peut être certain sur les eaux de la baie de Fundy est que deux voyages ne seront jamais les mêmes », déclare James avec certitude. « Et il faut toujours s’attendre à l’imprévu. » Il voit souvent des phoques, des marsouins, des baleines, et, une fois, il l’a même échappé belle après avoir rencontré un grand requin un peu trop curieux. Il dit : « Voyager de cette façon, lentement et silencieusement, vous donne amplement de temps pour voir non seulement les animaux, mais aussi les différents types de roches qui composent les falaises massives, la végétation marine et les lichens, voir même les balanes sur les pièges à poissons, ou l’oursin se déplaçant sur des algues corallinales. » De plus, découvrir la baie en kayak offre des éléments visuels et sonores différents comme : « écouter les vagues frapper contre les falaises ainsi que les roches se replacer sur la plage après le passage d’une vague ou même peut-être les gouttes d’eau s’écouler du haut d’une falaise », explique James. « Ce n’est peut-être pas le type d’expérience qui intéresse tous les gens, mais moi je suis accro. C’est la seule place où, chaque fois que j’y vais, je suis encore plus captivé! »

Les kayakeurs passent tout près du rocher accidenté de Martin Head. Crédit photo : Craig Norris
La montée de la pleine lune marque l’arrivée de la prochaine marée haute. Crédit photo : Craig Norris

« Puisque je suis un amateur de kayak, toute la baie est pour moi un lieu très spécial, y compris Martin Head. C’est sans aucun doute un Lieu fantastique, que vous soyez un amateur de kayak ou de la randonnée ou bien que vous y fassiez simplement un pique-nique », conclut James. Le Défi des Lieux fantastiques encourage les gens à visiter tous les 50 Lieux fantastiques de la Réserve de biosphère de Fundy pour souligner le 150e anniversaire du Canada. Quelle meilleure façon de célébrer que de profiter du plein air en visitant des Lieux fantastiques très « canadiens »!

Cet article est le quatrième de sept dans la série du Défi des Lieux fantastiques.

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Se ruer vers le récif de Cap Enragé lors du coucher du soleil pour observer les marées

Cap Enragé et son phare se dressent comme des sentinelles, surplombant la baie de Chignecto, dans la partie supérieure de la baie de Fundy. Ce sont les violents coups de vent traversant le passage étroit d’eau au cap qui ont, en partie, donné à ce lieu son nom. Un autre aspect qui a inspiré le nom de ce site est son récif accidenté qui se prolonge près de trois quarts de kilomètres dans la baie. Nous sommes en compagnie de Kevin Snair aujourd’hui et nous allons encore une fois nous ruer pour observer la mer descendre et dévoiler son fond marin lors de l’une des plus basses marées printanières causées par la pleine lune.

Le récif de Cap Enragé lors d’une marée basse printanière. Crédit photo : Kevin Snair

Selon Kevin, Cap Enragé est un lieu très différent du parc des rochers Hopewell Rocks où il travaille comme superviseur des services d'interprétation, mais peut-être pas comme vous l’imaginez. Hopewell est connu pour ses rochers marins tandis que Cap Enragé est connu pour son phare, ses falaises et son récif, mais, selon Kevin « il y a tellement plus de couleurs à Cap Enragé ; l’eau ne contient pas les sédiments lourds qui donnent à Hopewell son apparence brune comme du chocolat et monotone. » Ce commentaire est, en fait, un point bien important puisque cette caractéristique a des répercussions sur la vie marine dans ce lieu.

Kevin examine une flaque d’eau éphémère laissée par la marée descendante à Cap Enragé. Crédit photo : Craig Norris

Les forts courants dans la baie transportent les sédiments plus loin que Cap Enragé et les rejettent au large là où l'eau est plus calme. Ces courants, ainsi que le récif, furent le fléau des capitaines de bateau pendant l'ère de la voile. « Bien que les marins de cette époque fussent à l’aise avec l'environnement et les marées, ce récif a dû leur donner l’impression d’être une longue mâchoire aux dents pointues ne voulant rien de mieux que de casser leurs voiliers en minces morceaux de bois, tels des cure-dents », imagine Kevin.

Le récif responsable du naufrage de plusieurs voiliers. Crédit photo : Craig Norris

Pendant la marée basse, nous avons amplement de temps pour explorer ce récif accidenté dont les formes prend l’allure d’une colonne vertébrale, et nous y découvrons plus de 25 hectares de lits d’algues luxuriants et plus bas, des millions de balanes collées aux roches et dont se nourrissent des hordes de buccins affamés. Nous pouvons aussi y voir occasionnellement des champs de mousse d’Irlande de couleur vert foncé et pourpre ainsi que de la dulse, mais seulement lors des marées les plus basses pour un court lapsus de temps. Il s’agit de deux espèces comestibles.

Des buccins et des balanes se font la guerre. Crédit photo : Craig Norris

Kevin n'est pas seulement ici pour explorer l'écosystème, mais aussi pour étudier le flux et le reflux des marées dans une région de la baie ayant un débit d’eau parmi les plus rapides. L’étale ne dure pas longtemps, la marée descendante se transforme vite en une marée montante, telle une inondation. En quelques minutes, les cours d'eau inondent la connexion qu’ont les îles récifales au littoral. Le bruit de l’eau qui s’accumule sur un côté du récif et se déverse à travers les rochers brise le silence ; vous entendez de nombreux courants d’eau fusionner, créant de puissantes ondes sonores. C'est un endroit où vous ne voulez pas vous abandonner ou laisser vagabonder votre esprit trop longtemps en regardant la scène. Si loin dans la baie, vous êtes entourés d’eau et vous vous sentez bien vulnérable. « Quand la marée monte, vous ressentez l’urgence de la situation, c’est comme si la baie vous fait savoir qu’elle ne veut plus que vous soyez là », explique Kevin. « Le temps commence à presser, et vous devez y prêter attention ou bien vous serez pris. »

Kevin étudie la zone intertidale lors d’une marée basse. Crédit photo : Craig Norris
La pointe du récif de Cap Enragé lors de l’étale. Crédit photo : Kevin Snair

Parfois, aller aux extrêmes est la meilleure façon de voir la baie de Fundy d’un autre oeil. Le Défi des Lieux fantastiques encourage les gens à visiter les 50 Lieux fantastiques de la Région de biosphère de Fundy pour souligner le 150e anniversaire du Canada. Quelle meilleure façon de célébrer que de profiter du plein air en visitant des Lieux fantastiques très « canadiens » !

Cet article est le troisième de sept dans la série du Défi des Lieux fantastiques.

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Monstre de la boue : randonnée à vélo sur le marais de Tantramar

La plupart des gens jugent la boue que l’on trouve un peu partout dans la partie supérieure de la baie de Fundy moins attrayante que ses zones rocheuses ou sablonneuses. En général, tout ce qui se rapporte à la boue est désapprouvé à partir du moment où l’on apprend à marcher, de sorte que les vasières et les chenaux boueux de la partie supérieure de la baie sont un peu méprisés. Nous voulons changer cette perception ; c’est pourquoi nous avons invité Taylor Crosby, une étudiante de l'Université Mount Allison et quelques-unes de ses amies à explorer la boue au meilleur moment de la journée, et à partager des histoires à ce sujet.

Chenal boueux et vieux quai le long de la rivière LaPlanche Crédit photo : Craig Norris

Nous avons fait du vélo sur les digues d’Aulac en fin d’après-midi lors d’une journée d'automne. Taylor explique : « Pourvu qu’il n’y ait pas trop de vent, les digues offrent une excellente façon de découvrir le vaste marais de Tantramar et elles vous mènent jusqu'au littoral. » Notre destination était le Lieu fantastique sur la digue près de Fort Beauséjour ; depuis cet endroit, nous pouvons apercevoir et admirer l'axe de la baie. Dans les Maritimes, de vastes espaces ouverts comme celui-ci sont le seul moyen d’avoir un aperçu du paysage typique à ciel ouvert des prairies. C'est pourquoi nous sommes venus ici ; nous voulions profiter d’un magnifique coucher de soleil sur le terrain boueux du bassin de Cumberland vide «  à marée basse.

Coucher de soleil sur la rivière Aulac. Crédit photo : Craig Norris

Les derniers rayons de soleil de la journée scintillants à travers les champs et les herbes du marais sont une vue magnifique, mais c’est la boue qui éblouit encore plus Taylor. « Elle est humide, brillante, elle est couverte de motifs causés par le cycle d’inondation et d’assèchement, elle a une topographie intéressante et elle a plusieurs couleurs grâce à la réflexion de la lumière du ciel, mais c'est encore plus que cela », dit-elle. « L'odeur du marais salé, de la boue et de l'argile, c’est tellement cool, c’est vraiment un beau paysage. » Le spectre complet de la lumière qui rayonne sur la boue humide et les herbes rend la scène absolument hypnotique avec sa panoplie de couleurs.

Une digue donnant sur le bassin vide de Cumberland, quelques instants après le coucher du soleil. Crédit photo : Craig Norris
Les poteaux d’un ancien quai sont toujours visibles, alors que le ciel se reflète dans la boue. Crédit photo : Craig Norris

Tout en savourant la scène devant moi, je demande à Taylor si elle a déjà fait du mud sliding, soit jouer et glisser dans la boue. Elle me répond sur un ton défensif : « Ne le critiquez pas si vous ne l’avez jamais essayé ! » Taylor, elle, a adoré son expérience de mud sliding. « Vous pouvez glisser en bas des rives jusqu’à l’eau, il suffit de ne pas rester en un seul endroit trop longtemps et de ne pas vous aventurer dans l'eau trop profonde », avertit-elle. Outre tout le plaisir, Taylor dit que remonter les pentes boueuses est une véritable séance d'entraînement et qu’il est bien difficile de se nettoyer après une telle activité. « Vous espérez qu’il y aura une personne généreuse à proximité qui vous prêtera son tuyau d’arrosage, sinon vous allez vous transformer en un monstre de la boue tout en vous promenant dans les rues pour vous rendre à la maison », a-t-elle averti.

Taylor et Anna ,après avoir fait du « mud sliding ». Crédit photo : Sylvan Hamburger

Alors que je me tiens sur le bord des terres endiguées et que j’écoute l'histoire de mud sliding de Taylor, il me semble à-propos de rappeler qu’il a fallu environ 7 000 années d'élévation du niveau de la mer dans la baie de Fundy pour construire ces vasières et ce marais. Selon les échantillons recueillis dans le marais, cette digue repose sur plusieurs couches de boues, soit 35 mètres au total ; assez pour enterrer complètement un bâtiment de 10 étages. Nous nous sentons comme de minuscules tâches dans ce paysage, ici seulement pour un court lapsus de temps. Plusieurs sentiers de portage importants ont passé à travers le marais de Tantramar et il est intéressant de penser à comment différent ce paysage aurait été pendant que les Mi'kmaq y auraient observé des couchers de soleil semblables depuis leurs camps il y a des centaines ou même des milliers d'années.

Taylor savoure les derniers moments de la journée. Crédit photo : Craig Norris

Une fois la nuit tombée, la pleine lune s'est levée pour éclairer notre chemin. « Faire du vélo sous la pleine lune sur les digues est une belle expérience ; il n'y a pas de pollution lumineuse ici, l'air est frais, et les reflets se transforment en ombres », décrit Taylor. « De plus, le fond marin a l’air bien étrange sous les reflets de la lune. »

Le bord du marais de Tanramar à marée basse sous la pleine lune. Crédit photo : Craig Norris

La baie de Fundy offre plusieurs occasions inédites de découvrir des paysages étranges et exaltants. Le Défi des Lieux fantastiques encourage les gens à visiter les 50 Lieux fantastiques de la Région de biosphère de Fundy pour souligner le 150e anniversaire du Canada.

Cet article est le cinquième de sept dans la série du Défi des Lieux fantastiques.

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