L'ultime frontière de Moncton en hiver : descendre dans le creux de la rivière Petitcodiac pendant le gel

Le parc du Mascaret le long de la rivière Petitcodiac est désigné comme un Lieu fantastique de la Réserve de biosphère de Fundy, car il s’agit d’un endroit parfait pour observer le mascaret. Récemment, des surfeurs nous ont fait découvrir une nouvelle facette de la rivière, et comme je n’aime pas trop la boue, j'ai décidé de trouver une autre façon de l'explorer, soit descendre dans le creux de la rivière lors de la marée basse quand ses berges boueuses sont gelées.

La rivière Petitcodiac pendant le gel : un paysage de « chocolat » et de glace. Crédit photo : Craig Norris

Presque tous les gens à qui je raconte cette histoire pensent que je suis insouciant et que j’ai mis ma vie en danger. Il ne faut pas mal m'interpréter, la peur est bien justifiée lorsque vous faites de la raquette sur le chenal de la rivière Petitcodiac en mi-février avec une température ressentie de -29 °C, mais ce genre d’activité peut être menée en toute sécurité. Si vous vous habillez pour vous protéger du froid, couvrez votre peau (bien entendu), enfilez des raquettes spécialement fabriquées pour être utilisées sur la glace et avez en main de bons bâtons, vous êtes bien équipés. Peut-être encore plus important, vous devriez vous familiariser avec l'environnement. Pouvez-vous croire que je suis en train de décrire un endroit au beau milieu d'une ville ?

Raquettes avec crampons dentelés, fabriquées pour la randonnée alpine. Crédit photo : Craig Norris

Au début de l'hiver, la rivière se construit des murs de glace un peu comme nous bâtissons des murs de briques. Elle emprisonne des blocs de glace le long de ses berges à chaque marée. Ces blocs de glace se fixent au bas de chaque côté du chenal et la répétition de ce processus construit un mur de glace de plus en plus haut : la rivière remplit même les trous du mur avec de la boue pour cimenter le tout. Ainsi, le chenal de la rivière se munit de murs de glace solides.

Mur de glace très escarpé d’un chenal secondaire de la rivière Petitcodiac. Crédit photo : Craig Norris

En dépit des murs de glace abrupts, dans les courbes du chenal de la rivière, il y a habituellement de la boue gelée qui est accessible lors de la marée basse et qui forme donc une espèce de plateforme de glace bien solide. Si vous êtes capables de trouver un passage pour vous y rendre depuis les berges, vous pouvez facilement descendre sur la plateforme de glace et commencer à explorer.

À l'intérieur d'une courbe de la rivière, le fond du chenal est gelé, très solide, et donc accessible. Crédit photo : Luc Perrin

Il ne faut que 2,5 heures à la marée pour remplir la rivière et 2,5 heures pour la vider à nouveau. Cela laisse le chenal de la rivière vide pendant 7,5 heures à chaque cycle de marée. Pendant ce temps, des températures froides (pensez -20 °C) peuvent bien solidifier les murs et les surfaces de glace, ce qui les rend sécuritaires. Toutefois, en quittant la rivière, la marée peut laisser de minces et fausses surfaces de glace dissimulant des cavités parfois remplies d'eau. Des bancs instables de neige fondante et de boue peuvent également s'accumuler sur les berges. Si vous évitez de vous aventurer dans ces endroits, et que votre prise est bonne et que vous faites preuve de bon jugement, vous n’avez pas trop à vous inquiéter.

Contourner une mince surface de glace qui pourrait dissimuler une flaque d’eau non gelée. Crédit photo : Craig Norris

Les jours froids, l'eau de la rivière est plus chaude que l'air et elle émet constamment un peu de vapeur. Cette vapeur crée du givre sur les surfaces de tout ce qui fait face à la rivière. Il y a plusieurs caractéristiques intéressantes des cristaux de glace à découvrir le long de la rivière les jours froids.

Cristaux de givre. Crédit photo : Ben Phillips

Puisque l’eau de la rivière est froide, glacée, et plus dense en hiver, le passage du mascaret est un peu moins bruyant qu’à l’habitude. Tout de même, le changement de direction de l'écoulement des eaux est facilement perceptible lorsque le mascaret arrive, indiquant qu'il est temps de quitter le chenal.

Avec l'arrivée du mascaret, il faut vite remonter au sommet du mur de glace pour éviter des ennuis. Crédit photo : Craig Norris

Lorsque vous passez du temps hors de la vue sur la plateforme inférieure de glace, vous avez le sentiment d’être en pleine nature. Il n'y a aucun signe de vie et c'est un paysage tout à fait sauvage et extrême ; vous imaginez que vous explorez des glaciers. Quand, enfin, vous levez votre regard au-dessus des berges en remontant le mur de glace, vous êtes étonnés de vous retrouver en pleine ville.

Exploration d'une « crevasse » avec Moncton en arrière-plan. Crédit photo: Craig Norris

L'hiver offre l’occasion de découvrir des paysages extraordinaires. Le Défi des Lieux fantastiques encourage les gens à visiter les 50 Lieux fantastiques de la Réserve de biosphère de Fundy pour souligner le 150e anniversaire du Canada et parfois, il est préférable de visiter ces lieux lorsqu’ils sont glacés.

Cet article est le sixième de sept dans la série du Défi des Lieux fantastiques

Financé par le gouvernement du Canada
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